Chaque mois, notre comité scientifique, nos correspondants, les clients d'Eranos mettent un événement du quotidien dans la perspective des grands imaginaires sociaux. C'est notre bout de magazine.

Magazine

Imaginaire social et innovation participative
Une contribution de Stéphane Hugon
La chose est entendue ; les phénomènes d'innovation qui se sont manifestés par les modèles issus d'Internet depuis dix ans ont transformé radicalement les dynamiques de création et de transformation des marchés, et ce, de manière probablement irréversible. Cette étape de notre histoire marque ainsi un avant et un après. Si le mouvement est apparu d'abord sur les secteurs des technologies et services en ligne, il semble influencer progressivement l'ensemble de l'activité sociale et économique.
1 novembre 2011
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Il n’est désormais plus un espace social qui ne soit impacté par les transformations des modèles de l’innovation — pensons au politique, avec le modèle Obama —, jusqu’à des processus d’innovation scientifiques ou industriels — crowdsourcing, RSE, wiki et autres open hardware, en passant par les fonctions marketing ou RH, qui vont ménager une place au consommateur/collaborateur comme elles ne l’ont probablement jamais fait. Panorama.

Depuis le temps qu’on nous annonce un changement de paradigme, le voila peut-être arrivé, dans la douceur, et par la bande. Et si l’on connait les outils, estampillés 2.0 parfois de manière incantatoire, on comprend moins souvent la logique de fond qui porte cette dynamique — une logique sociétale, peut-être anthropologique, en tout cas relationnelle et qui rencontre aujourd’hui les schémas de prospective économique.

C’est la mort du spécialiste, de l’ingénieur minutieux, du savant fou, ou du despote éclairé qui sait ce qui est bon pour nous.

Ainsi, Internet a rendu légitime le fait que les usagers peuvent s’approprier puis intervenir directement dans les contenus, dans les offres, et dans la substance même des services. Et que les décisions, les valeurs d’un service, ou la légitimité de telle ou telle marque, ont définitivement perdu leur valeur substantielle et leur autorité en soi, depuis qu’elles sont évaluées sur un marché de l’opinion que constituent les réseaux sociaux. C’est la mort du spécialiste, de l’ingénieur minutieux, du savant fou, ou du despote éclairé qui sait ce qui est bon pour nous. Mais ceci est un fait culturel avant d’être une donnée technologique.

Vous êtes le media

Sur un plan media, l’idée d’une distinction du producteur et du destinataire est devenue caduque, puisque désormais “vous êtes le média” — vous-même, en prise avec votre réseau de relations. Dnas le domaine de l’énergie, cette même distinction entre consommateur et producteur tend à disparaître avec maillage en smart grid qui n’est plus si loin de nous — c’est l’un des objectifs de l’UE dans le domaine écologique. Sur un plan politique, l’idée d’une délégation ou d’une représentation de pouvoir n’a plus de sens pour nos contemporains, et ceux qui en doutent encore font régulièrement l’expérience douloureuse de l’abstention massive.

L’innovation existe avant tout par son acceptabilité sociale.

Toute innovation est donc avant tout soumise à l’acceptation et la labellisation par un groupe, un territoire, une communauté. L’innovation existe avant tout par son acceptabilité sociale. Autant de situations économiques où la valeur est donnée non plus seulement par le producteur du service, mais par l’ensemble des consommateurs-modificateurs qui font exister l’offre, la complètent, l’adaptent, la socialisent, la contextualisent, bref, l’hybrident dans d’autres pratiques, d’autres cultures, d’autres marchés.

Le consommateur souverain

Pourtant cette logique ne s’est pas faite ex nihilo. Dans les années soixante, quelques jeunes gens subversifs avaient théorisé une “critique de la séparation”, sur la base du constat que “tout ce qui était directement vécu s’(était) éloigné dans une représentation”. Aphorisme célèbre qui a pris sa pleine résonance bien plus tard, dès lors que les architectures politiques, médiatiques, économiques se sont complexifiées, réenracinées, et que le rhizomatique s’est substitué à l’arborescent. Au delà de quelque métaphore botanique, ce qui importe ici est la place de l’usager, du consommateur, et la nouvelle dynamique d’emprise et de souveraineté qui devient la sienne. Et c’est ici l’expression d’une volonté de contrer une tradition patriarcale, et d’écraser — pour le meilleur et pour le pire — les hiérarchies d’autorités.

Une règle d’or de l’Internet est qu’il y aura toujours plus de compétence dans l’ensemble d’un réseau ouvert qu’il ne peut y en avoir dans le cerveau d’un seul développeur, fût-il le meilleur du moment

On sait que l’Internet a concrétisé ce phénomène, en élargissant l’accès de la technologie à une population bien plus large à des profils plus variés et à la loi des pairs. Et cette population a projeté sur ces nouvelles expériences technologiques leurs propres cultures, leurs réflexes, leurs attentes, substituant la nécessité du partage à celle de la distinction des sachants et des apprenants. De sorte que la compétence qui en a émergé est désormais teintée des esprits de bricoleurs, et des apports mutualisés des usagers du dimanche, qui bien souvent en constituent la valeur. Une règle d’or de l’Internet, qui a émergé avec l’idée de l’ouverture des codes, est qu’il y aura toujours plus de compétence dans l’ensemble d’un réseau ouvert qu’il ne peut y en avoir dans le cerveau d’un seul développeur, fût-il le meilleur du moment.

Une base de l’économie

La véritable innovation n’est donc pas toujours la plus puissante, la plus novatrice, ni la plus efficace intrinsèquement. Mais plutôt celle qui produit une légitimité immédiate auprès des usagers, et qui permet ainsi une compréhension et une appropriation rapides des offres par le public. C’est une innovation sociale. C’est donc ici la question de la relation qui est posée, et qui ouvre à celle des interfaces, du design, et d’une certaine malléabilité des offres. Cette nécessité du cool — un certain esprit californien qui a parfois fait horreur aux sensibilités européennes, c’est-à-dire aux puristes des milieux techniques ou industriels à la française —, cet impératif de transmission et de conviction par l’imaginaire et la séduction est désormais à considérer comme une base de l’économie de l’innovation.

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Ascendant innovation
Social imagination and participatory innovation
Innovation since the information revolution, say in the last decade, has radically changed the dynamic of creation, and has transformed markets, perhaps in an irreversible manner. This moment in history has a clearly defined before and after. Certainly, this movement grew out of the fields of online services and technologies, but it seems to progressively influence every aspect of social and economic activity.
社會學想像和參與式創新
從十年前的資訊革命以來,革新已徹頭徹尾的改變了動態創建,且以不可逆轉之姿改變了市場,此時此刻就是這個新時代和舊時代的分隔點,當然,目前社會的轉變追朔於線上服務和科技領域,但當前的革新似乎逐漸開始影響各個層面的經濟和社會活動。
C: 从十年前的信息革命以来,革新已彻头彻尾的改变了动态创建,且以不可逆转之姿改变了市场,此时此刻就是这个新时代和旧时代的分隔点,当然,目前社会的转变追朔于在线服务和科技领域,但当前的革新似乎逐渐开始影响各个层面的经济和社会活动。