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Notes de lecture
Nouvelles technologies

Pierre Musso, Laurent Ponthou, Éric Seulliet, Fabriquer le futur 2. L’imaginaire au service de l’innovation

Paris, Éd. Village mondial, coll. Stratégie, 2007, 307 p.
Gilles Boenisch
Référence(s) :

Pierre Musso, Laurent Ponthou, Éric Seulliet, Fabriquer le futur 2. L’imaginaire au service de l’innovation. Paris, Éd. Village mondial, coll. Stratégie, 2007, 307 p.

Texte intégral

1Pour cette seconde édition augmentée, Pierre Musso, Laurent Ponthou et Éric Seulliet traitent de la place de l’imaginaire et de l’imagination dans les processus de conception de nouveaux produits et services. La question posée est notamment celle de l’intérêt qu’il y aurait à associer cette dimension à la stratégie de l’innovation. Ainsi, dans cet essai riche d’une centaine de témoignages très documentés, l’hypothèse principale est-elle que la conception traditionnelle de l’innovation fondée spécifiquement sur la recherche et les développements techniques tend à ne plus être d’actualité à l’heure du Web 2.0, de l’internet et des pratiques collaboratives. De ce fait, concevoir des produits et services novateurs, personnalisés et adoptés durablement par tous, serait consécutif à la part « d’imagination », dont celle au fort potentiel créatif des utilisateurs : « Pour vendre du rêve, il faut savoir gérer l’imaginaire de ses clients » (p. 283).

2Comme cela est défendu tout au long du livre, « l’exploration d’approches faisant appel à l’imaginaire, notamment à celui des consommateurs, permet de mieux comprendre leurs aspirations et donc tenter d’y répondre au mieux » (p. 4). Les trois auteurs s’y emploient, avec des analyses néanmoins très contrastées, graduellement ordonnées du plus théorique au plus pragmatique et étayées de nombreuses références. Cette disposition singulière donne à lire une remarquable argumentation transversale et pluridisciplinaire, avec laquelle le lecteur spécialisé, ou non, est encouragé à recourir de manière intermittente et sélective, particulièrement sur les multiples entretiens et études de cas. Le texte s’engage sur une partie introductive concise qui dépeint le schème « d’innovation » de manière générique. Celui-ci se réfère, d’une part, aux acceptions de Joseph Schumpeter pour qui l’innovation caractériserait à la fois la constitution de nouveaux produits, l’institution de nouvelles procédures, la prospection de nouveaux débouchés et l’emploi de nouveaux matériaux ; d’autre part, celles de Norbert Alter qui s’attelle à cerner les diverses configurations, comme l’innovation ordinaire, l’innovation quotidienne, l’innovation incrémentale, ou encore l’innovation stratégique de rupture caractérisant l’invention. Cette introduction est également l'occasion pour les auteurs de justifier les attendus de cette étude et mentionner la faible littérature se rapportant à la problématique de l’imaginaire consacrée à l’innovation (pp. 3-8).

3La première partie, « Imaginaire et innovation » (pp. 9-62), rédigée par Pierre Musso, s'essaye à définir le concept d’imaginaire, avant d’esquisser une potentielle contextualisation avec celui d’innovation dans le domaine des technologies d’information et de communication. Il explore la complexité du sujet en tenant compte des multiples aspects que ce terme implique où, typiquement, « la première difficulté de l’imaginaire est tout simplement de le définir » (p. 9). L’auteur a habilement recours à un vaste éventail de référents avant de parvenir à amorcer plusieurs définitions successives. Celles-ci ont le mérite de tenir compte tant de l’actualité que des concepts historiques. Finalement, il se résout à ne pas circonscrire le concept de manière restrictive. Le considérant plutôt comme un ensemble de possibles, il le décompose selon un modèle à géométrie variable d’une « pluralité d’imaginaires » (pp. 42-62). Il conclut en indiquant que l’imaginaire se situe « partout », « là où l’on sait l’observer » et pas spécifiquement dans son seul secteur d’activité.

4La deuxième partie, proposée par Laurent Ponthou, « Conception de produits et services du futur » (pp. 63-151), présente différents outils et méthodes permettant d’exploiter l’imaginaire en extrapolation des utilisations d’un produit. Il ne manquera pas de mentionner les écueils de l’innovation appliquée à la consommation, et rappelle à travers des exemples significatifs qu’une infime partie des produits innovants commercialisées sont des succès. C’est pourquoi il insiste vivement sur l’importance d’anticiper les interactions avec les clients, par de vastes études et de nombreux tests menés dès l’amorce du processus d’innovation, plutôt que de revenir ultérieurement sur le concept une fois le produit achevé. Placer l’utilisateur au cœur de la démarche, en « amont » de l’innovation, est donc la préoccupation majeure de cet exposé. Ainsi « tout doit[-il] partir du client. C’est en observant avec acuité, en analysant les marchés et les tendances que l’on s’imprègne du matériau nécessaire pour imaginer les offres qui seront les plus pertinentes » (p. 88). Et, « tant qu’un produit ou un service n’est pas sur le marché, tout reste encore « imaginaire » : l’offre pertinente, les cibles réelles qu’elle touchera, les usages qui se développeront, le business qu’elle générera, les actions de la concurrence, souvent même les technologies qui produisent les innovations » (p. 63). À partir de différentes études prospectives, ou encore l’énonciation de la dialectique permettant de stimuler la créativité, il décrit l’extrême sensibilité des utilisateurs à s’attacher à la production d’un avantage, un sentiment d’unicité ou de supériorité, la personnalisation individuelle, ou encore la recherche d’une réponse à un besoin latent irrésolu, avant de s’achever sur l’esquisse des possibles innovations qui influencent le futur.

5La troisième partie, correspondant à la contribution d’Éric Seulliet, « Les acteurs de l’imaginaire dans les entreprises » (pp. 149-278), présente des exemples précis de processus d’innovation dans des entreprises françaises. À cette occasion, il aborde le développement durable dans le cadre de l’évolution des technologies au travers de « l’éco-conception », mais également la « co-création » où, cette fois, la communauté d’utilisateurs et de concepteurs participent simultanément à la réflexion sur l’innovation. L’évolution des secteurs de recherche en entreprise est également introduite à travers un panorama d’interviews de spécialistes de l’innovation et du design. Les idées traitées sont les questions de l’identité de l’entreprise et de la formulation de sa mission au regard de l’imaginaire (pp. 153-174), les nouvelles relations de l’entreprise avec le consommateur et l’environnement sociétal (pp. 175-200), l’évolution de l’innovation par la nécessité de repenser les fonctions de conception (pp. 201-252), et l’évolution du management dans ses rapports à l’imaginaire (p. 252-278). Cette contribution et les précédentes révèlent la difficulté qu’il y a à définir les attentes des consommateurs devenus peu a peu plus exigeants. En définitive, Fabriquer le futur 2, invite à généraliser la réflexion d’Eugène Ionesco « la vérité est dans l’imaginaire » (p. 254) et tend à repenser le rapport étroit entre consommateur et concepteur : « Quoi de plus normal que l’innovation travaille à faire, défaire et à refaire son propre processus de conception/fabrication? Le défi contemporain est l’élargissement interdisciplinaire des processus d’innovation pour prendre en compte en amont, d’une part, le service ou le produit, et d’autre part, l’usage et l’utilisateur. Si l’entreprise ne le fait pas, la démarche émergente du Web 2.0 montre que les consommateurs eux-mêmes l’imposeront progressivement » (p. 279).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Gilles Boenisch, « Pierre Musso, Laurent Ponthou, Éric Seulliet, Fabriquer le futur 2. L’imaginaire au service de l’innovation », Questions de communication [En ligne], 17 | 2010, mis en ligne le 23 janvier 2012, consulté le 23 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/279

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Auteur

Gilles Boenisch

CREM, université Paul Verlaine-Metz
gilles.boenisch@gmail.com